SORTIE PHOTO - Rustrel 04-2016

CR sortie colorado de Rustrel 4/2016     ou... 50 nuances de gris et 50 nuances d'ocre...      

Préliminaire sur la géologie.

J'ai été assez déçu par le niveau moyen des explications géologiques que nous avons eues aussi bien vendredi dans une ancienne mine d'ocre que samedi dans une ancienne exploitation à ciel ouvert. Mais, pas bien grave, les meilleures explications étaient fournies par la nature, et de manière spectaculaire dans les deux cas. Pour un amoureux de la géologie, c'est grandiose. Au Colorado, sous nos yeux 100 millions d'années nous contemplent (Napoléon pourra me réclamer des droits d'auteur). Je vous livre ces quelques mots d'amateur, sans prétention de rattraper ce que les guides auraient pu dire. Jean-Hugues serait bien plus savant.   

Les deux premières phases se déroulent au crétacé (fin de l'ère secondaire). Au crétacé inférieur la région était recouverte par la mer. Sur le fond de cette mer, s’accumulaient des sables venus du continent. Après la phase de sédimentation, s’est formé sur le fond, au contact avec l’eau de mer, un minéral vert riche en fer : la glauconie. Ce minéral est la roche mère. Au-dessus, les sables se consolident en grès, ici à ciment argileux. Toujours pas d'ocre, seulement du vert...    

Au crétacé supérieur se produit la deuxième phase. A la faveur de mouvements tectoniques, ces dépôts marins sont soulevés jusqu'à émerger, formant une enclave gréseuse entre les monts calcaires du Luberon et ceux du Vaucluse. Ils ont alors été soumis au climat équatorial de l'époque, ce qui a provoqué une altération latéritique des ocres (comme en Afrique). Dans ce processus, la glaucomie verte s'est dissoute ; le fer ainsi libéré et oxydé (hydroxydé en fait) a coloré les sables et donné naissance aux ocres, dont les teintes varient selon la proportion d'hydroxyde de fer. Dans le processus de latérisation, la partie supérieure des sables s'est aussi recouverte d'une cuirasse ferrugineuse marron (que nous avons bien vue, en particulier sur les cheminées de fée), laquelle a bloqué une couche siliceuse blanche. Au Colorado de Rustrel, la roche mère verte est peu visible (sans doute masquée par les sables ocreux érodés et déposés). Sujet d'un petit débat pendant la visite, la succession normale est du bas en haut : la roche mère verte, les sables ocreux, la couche blanche, la cuirasse marron.  

Troisième phase, au tertiaire, des dépôts d'abord continentaux, puis à nouveau marins ont recouvert (et protégé) ces roches du crétacé.   

Et en quatrième phase, au quaternaire, ces dépôts tertiaires ont été décapés, faisant affleurer à nouveau les terrains crétacés. C'est la situation d'aujourd'hui où l'érosion domine.
En un mot, face à nous, dominante ocre avec plein de nuances du jaune au rouge, en sandwich dans le vert et le blanc.

Autre préliminaire sur les conditions climatiques du séjour. Je passe du million d'années à la journée ! Pas de chance, le temps était couvert, les éclaircies espérées ne sont pas venues. Mais la pluie redoutée non plus. Juste un petit crachin épisodique le vendredi, ce qui ne nous a pas refroidi. C'est vrai qu'une meilleure lumière aurait été bienvenue pour le spectacle comme pour les photos. Mais c'était déjà pas mal ! En tout cas bravo aux 18 courageux (je m'auto-félicite aussi) qui étaient prévus et qui sont tous venus malgré des bulletins météo non enthousiasmants.     

En un mot, au-dessus de nous, dominante gris sans oublier le gris et le gris. Voilà pour le sous-titre ! 

VENDREDI 1 avril :  6 d'entre nous étaient sur place dès le vendredi. Démarrage, par une halte au café à Apt. Impossible d'y échapper avec votre actuel GO. Le bar que j'avais prévu était en totale réfection, rendez-vous foireux donc, mais on a su s'adapter.    

Ensuite, sur proposition de Momo, visite très intéressante des anciennes mines de Bruoux à Gargas. C'était je crois l'unique exploitation souterraine de l'ocre, technique rentable lorsque l'épaisseur de matériaux de recouvrement (stériles) est trop épaisse. Les autres exploitations étaient à ciel ouvert, comme celle que nous avons visitée le samedi, et comme l'unique exploitation encore en service, située également à Gargas.

Les photos ne sont pas autorisées dans ces anciennes mines par peur de perdre les photographes. Comme nous sommes tous photographes, nous avons pleinement apprécié que l'on s'inquiète de notre sort. Et, de toute façon, les conditions d'éclairage rendaient difficiles les photos. Les galeries voûtées sont hautes de 15 m pour les plus grandes. Elles ont été creusées à la pioche et à l'explosif avec un savoir-faire de plus en plus affirmé et que la guide nous montre très bien.   

Repas à St-Saturnin lès Apt. Nous choisissons l'Estrade petit resto simple et sympa signalé dans le Routard. J'ai beaucoup aimé.    

Visite de St-Saturnin. Le château qui domine la ville est grandiose mais bien en ruines. Il a été édifié au Xe siècle pour protéger les habitants des barbares. Peu à peu, les habitations trop contraintes ont gagné l'extérieur, et au XIXe les habitations situées dans l'enceinte ont été abandonnées. On les voit toutes en ruines donnant une ambiance particulière. Il y a aussi un barrage en maçonnerie (1753) toujours en service et un beau moulin à vent du XVIe. Dans la ville, quelques belles surprises comme un balcon soutenu par des atlantes.

Dans les environs, ce ne sont que vignobles, oliviers, cerisiers qui commencent à fleurir et champs de lavande.    

Visite rapide du village de Gignac. Rien de particulier, mais à proximité, une petite route connue de Momo nous offre une première vue dominante sur le Colorado de Rustrel que nous verrons le lendemain.    

Visite du très beau village de Simiane la Rotonde et de son château du XIIe siècle. La rotonde est le donjon, spectaculaire, sinon beau. C'est Prosper Mérimée qui l'aurait sauvé en le faisant classer monument historique. L'essentiel du donjon, sans doute d'origine, est tronconique avec des pierres rustiques. Mais une partie côté jardin a été restaurée avec des pierres taillées et un profil polygonal tranchant totalement avec le teste du donjon. Au XIXe, un architecte a montré son excellence sans égard pour l'unité architecturale. Au centre de cette partie restaurée, une superbe porte romane finement décorée débouche sur le joyau du château : une magnifique salle d'apparat romane, surmontée d'une voûte dont les 12 nervures sont légèrement hélicoïdales percée d'un oculus. Ne pas fixer l'oculus trop longtemps sinon la tête tourne. Les sculptures sont raffinées et les masques sculptés à la naissance de chaque nervure sont autant beaux qu'amusants. Dans le donjon se trouve aussi le laboratoire d'aromathérapie Ste-Victoire avec une boutique d'huiles essentielles (Young living).    

Nous rejoignons le gîte de Chaloux, perdu au sud de Simiane, sur le GR4 non loin du croisement avec le GR6. Une bonne adresse où l'accueil est agréable et où nous mangeons local, en commençant par la soupe aux orties. Ancienne ferme du XVIIIe, le gîte propose pleins d'activités proches de la nature et du calme (poterie, fabrication d'ocres, musique de tambour, stages relaxations, massages...). Allez voir son site.     

SAMEDI 2 avril : Les 6 rejoignent le rendez-vous au parking des mille couleurs. Dans mon groupe on passe par Oppédette puis Viens, deux jolis villages que nous n'avons pas le temps de visiter. Coup d'œil rapide aux gorges d'Oppédette sur le Calavon.   

Arrivée des 12 autres parfaitement à l'heure (pour ceux qui n'ont pas cru bon de passer par Manosque...). Mais tout le monde s'est bien retrouvé au sein de la visite accompagnée prévue le matin, qui nous permettait de découvrir des secteurs fermés au public sur la moitié Est du site. Très bon accueil de la gérante du site, qui s'est adaptée très gentiment à nos arrivées échelonnées. C'est l'une des filles de l'ancien exploitant de la carrière. Les explications du guide étaient un peu lentes alors qu'il y avait plein de choses intéressantes à faire passer. Un peu surprenant d'employer un guide qui maîtrise aussi mal la langue, et dont les qualités pédagogiques restent à prouver. Mais bon, beau parcours quand même. Le grand livre géologique est grand ouvert et nous montre des veines aux couleurs contrastées avec des rides que j'attribue aux courants marins (?) et des mini-cassures pseudo-verticales que j'attribue aux séismes. La progression du parcours (oui, on progresse) nous illustre les étapes de la fabrication des briques d'ocre avant transport à l'usine. Lavage, transport par l'eau, batardage, décantation pour séparer le sable (indésirable) et les ocres, séchage, découpage, mise en palettes des ocres (avant c'était en tonneaux).

Dans les carrières à ciel ouvert dont la fin d'exploitation date au Rustrel des années 1990, la forêt a évidemment été éliminée. Les arbres ont ensuite recolonisé le site peu à peu.    

Le Colorado provençal... Je ne connais pas les canyons du Colorado, mais j'imagine que les Américains doivent bien rire de notre appellation. Le colorado provençal donc est un magnifique site où l'on voit l'érosion (naturelle) en marche. Plus précisément, il y a l'érosion de chaque instant, grain par grain, sous l'effet essentiellement de l'eau et les éboulements ou écroulements plus massifs. La cheminée de fée (aussi dénommée demoiselle coiffée) est un magnifique témoin emblématique de ce travail d'érosion, et on a pu admirer des cheminées entières (les demoiselles coiffées de leur casque de croûte ferrugineuse), celles qui ont perdu leur casque protecteur et sont donc condamnées, et à flanc de falaise, on se plaît à imaginer de futures cheminées de fée. Le casque protège de l'érosion mais aussi il limite la dissolution du ciment des grès.

Tenaillés par la faim, nous abandonnons notre guide à regret et nous nous partageons entre le petit resto des Mille couleurs et les aires de pique-nique. Dégustation appréciée d'un élixir de Michel dont malheureusement il ne donnera la recette que sous la torture.    

Et l'après-midi, visite libre de la moitié Ouest du site avec le cirque de Barrès,  les demoiselles coiffées, le Sahara (eh oui, le Sahara est au Colorado). Grandiose. Fléchages et contre fléchages aident notre groupe à se disperser en tous sens. L'homme au béret, la dame en bleu, l'élixiromane... mettant à profit leurs bonnes chaussures ont gravi des pentes très escarpées. Certains ont vérifié que les ocres ont des qualités de colorants tenaces.   

Retour en bon ordre vers nos foyers, les yeux et les cartes mémoire pleins d'images.

Gérard degoutte,

 

 

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