Sortie ARC Images - Le Luberon 19 Mars 2022
C'EST LA SECONDE SORTIE ORGANISÉE RÉCEMMENT DANS LE LUBERON APRÈS CELLE DU 20 MARS 2021 (MIRABEAU, LA TOUR D'AIGUE, ANSOUIS, CUCURON). LA CARTE MONTRE LA CHAÎNE DU PETIT ET DU GRAND LUBERON AU NORD DE LA DURANCE AVEC EN BLEU LES 4 VILLAGES PARCOURUS ET EN ROUGE CEUX QUI ONT ÉTÉ RAVAGÉS EN 1545 EN PRÉLUDE DES GUERRES DE RELIGION...
.Cette sortie se trouve au cœur d'une région protestante qui a connu au XVIe siècle un épisode dramatique, qui fut en Provence précurseur des guerres de religion. En 1540, les Vaudois du Luberon, originaires du Piémont et de la région de Freissinières (05), considérés comme hérétiques, font l'objet d'une condamnation par l’édit royal de Mérindol qui ordonnait de raser ce village.
François 1er le promulgua seulement début 1545. Chargé de l'appliquer, au printemps 1545, le président du Parlement de Provence (à Aix) mena les troupes royales dans une véritable croisade contre les Vaudois de Provence avec une barbarie inqualifiable. Elle dépasse largement Mérindol et 23 autres villages situés au nord et au sud des Petit et Grand Luberon sont rasés et incendiés :
- Cabrières d'Avignon, Lacoste, Lourmarin, La Roque d'Anthéron, Peypin d'Aygues, La Motte d'Aygues, St-Martin de la Brasque, Villelaure, Saint-Estève-Janson, etc (voir carte).
Les habitants avaient essayé de fuir, mais 2700 sont retrouvés et massacrés et 670 hommes sont envoyés aux galères. Troupeaux et cultures sont détruits, dans le seul but de faire mourir de faim les survivants, ce qui se passa... Une tâche sur le CV de François 1er !
Quelques stèles et des panneaux sur les temples évoquent cette tragédie qui fit autant de morts que la St-Barthélémy, mais qui n'a pas trouvé place dans nos vieux livres d'Histoire. Peut-être horrifié par ce qu'il venait de faire, le sinistre Parlement de Provence ne participa pas à la St-Barthélémy.
Mais pour marquer leur opposition à ce massacre, fin 1573, des protestants prirent Ménerbes, village du Comtat sous l'autorité du Pape. Un affront pour les catholiques qui assiégèrent ce village, menés par le demi-frère du roi Henri III. Les occupants héroïques résistèrent 5 ans, avant de se rendre. Ils ne furent pas massacrés et le village ne fut pas détruit. Le roi était dans la volonté de calmer le jeu, et de ne pas froisser le Pape, pas si facile...
Lourmarin
Le rendez-vous était à Lourmarin, sur le versant sud de la chaîne du Petit Luberon. Évidemment, pause-café au cœur du village. Puis découverte de ses curiosités.
Le Temple : Lourmarin fut dès le XVe, habité par une forte proportion de protestants. Les lieux de culte protestants furent d'abord clandestins. Début XIXe, les communes de Lourmarin et Puyvert édifièrent le temple actuel.
Le château : Il comporte deux parties, l'une médiévale (1475-1526) construite par Foulques III d'Agoult (un ami du roi René), qui a employé et logé des maçons Vaudois (on était quelques décennies avant le massacre). La deuxième partie, de style Renaissance (milieu du XVIe), a été construite pour François d'Agoult, page de François 1er. Arrivent les guerres de religion qui incitent les propriétaires à faire installer des archères puis des canonnières, que l'on peut voir sur la tour et sur une façade de la partie médiévale. Non entretenu, il était promis à la démolition quand un mécène, Laurent-Vibert, l'a fait restaurer entre les deux guerres en respectant l'architecture originelle. Puis il le légua à l'académie des arts et sciences d'Aix.
La Fontaine aux trois masques : Réalisée pendant la guerre par la fondation Laurent-Vibert, ses 3 têtes évoqueraient des divinités grecques, Neptune, dieu des sources, Appolon, dieu de la musique et Pan, dieu des troupeaux.
Ensuite nous gagnons le nord de Luberon, via la combe de Lourmarin, seul passage routier entre la Grand Luberon à l'ouest, et le Petit Luberon à l'est.
Bonnieux
Bonnieux se dresse sur le versant nord de la chaîne du Petit Luberon et offre donc un beau panorama jusqu’au mont Ventoux. Bonnieux a fait partie du Comtat Venaissin qui, comme Avignon, appartenait à la Papauté de 1274 jusqu'au lendemain de la Révolution. Ce n'est donc un village français que depuis 1791. Ce qui lui a permis d'échapper au saccage de 1545.
Nous avons gagné le Castellas au sommet du village, là où les habitants s'étaient réfugiés à l'époque trouble du XIIe au XIVe. Les remparts ont été conservés jusqu'au XVIIIe, date où il fut décidé de les détruire pour se libérer de leur corset, exactement comme à Aix. Nous avons pu voir des vestiges des remparts, dont deux belles portes fortifiées. Mais aussi de belles demeures et de nombreuses fontaines.
Le pont Julien
Ce pont fut implanté par les Romains pour faire franchir le Calavon à la Via Domitia qui reliait l’Italie et l’Espagne. Il aurait été ordonné par Jules César et achevé juste avant le début de notre ère. Comme bien des constructions romaines, il est en excellent état. Il a donc 50 ans de plus que le célèbre pont du Gard.
C'était l'endroit rêvé pour pique-niquer. L'une d'entre nous qui n'a pas froid aux yeux s'est hissée au cœur d'une des piles, dans un orifice de décharge des crues. Les Romains, grands bâtisseurs, grands topographes étaient aussi de grands hydrauliciens, est-il besoin de le dire.
En amont, une surprenante construction domine tous les alentours. C'est l'une des culées d'un ancien pont ferroviaire, transformée en belvédère qui domine le pont Julien.
Lacoste
Perché sur une colline, le village offre un point de vue sur Bonnieux et sur le Ventoux.
Le château. Il fut la propriété du Marquis de Sade fin du XVIIIe. Il a été restauré en 2001 par Pierre Cardin. Au château, on a pu observer les remparts et la douve de ceinture. Le plus frappant est l'austérité de cette bâtisse bien triste. Et sur l'esplanade trois sculptures contemporaines en bronze sont l'exact contraire des ruines : les immenses bras tendus de l'amitié, le buste du marquis de Sade, un peu boudeur et très encagé, une interprétation étonnante de l'arbre de la vie.
Le village. Pierre Cardin décida de faire du village de Lacoste un « Saint-Tropez local de la culture » (sic !). Il a créé un festival d’art lyrique dans les carrières voisines et a acheté une trentaine de commerces et habitations pour les réhabiliter et les estampiller de sa marque. Et du coup, le village paraît bien mort quand il n'y a pas de festival !
Nous entrons dans le village par le nord au Portail de la Garde, porte très bien conservée avec ses machicoulis. L'une des deux tours carrées qui défendaient la porte est aussi bien conservée, avec quatre canonnières. L'autre porte de l'enceinte est au sud, le Portail des Chèvres, prolongé par des remparts en bon état qui remontent jusqu'au château. Entre les deux portes se trouve un beffroi surmonté d'un campanile et adossé à un élégant passage vouté. Ici, on se croit au XIVe siècle. Mais l'observation des façades nous montre des portes très travaillées et des fenêtres à meneaux. Nous voici donc à la Renaissance, dont l'architecture raffinée est assez noyée dans l'ambiance médiévale. Au bilan, un superbe village mais un peu sans âme et … sans âme qui vive !
Ménerbes
Ménerbes a été décrit avec amour par le plus francophile des anglais, Peter Mayle, qui y résidait et publia « Une Année en Provence » en 1993. Savoureux.
Comme Lacoste, Ménerbes mêle les architectures du Moyen Âge et de la Renaissance, mais est bien plus vivant. Derrière ses anciens remparts, le village révèle de très belles demeures des XVIe et XVIIe, étonnamment épargnées par les guerres de religion. Merci au Pape !
Juchée sur une falaise, véritable rempart, la Citadelle qui domine le village fut construite par le Pape après le siège héroïque de Ménerbes afin d’abriter une garnison d’hommes d’armes italiens pour assurer la protection contre les Protestants. C'est un monument très austère, on n'est pas à Lourmarin. Mais il forme un bel ensemble avec la falaise et les arbustes fleuris à son pied.
Une autre très belle demeure nous surplombe, l’hôtel de Carmejane, également très sobre. Mais une échauguette lui donne une touche originale. Les pierres claires de la façade renvoient la lumière du soleil couchant. Faut profiter de l'heure dorée !
Au sein des remparts de la ville, nous découvrons la porte Saint Sauveur, qui a un petit air de parenté avec le portail de Castellas à Bonnieux.
Mais le plus remarquable, c'est le beffroi à campanile. L'association avec le passage vouté en fait l'originalité. Le drapeau italien qui flotte sur la mairie est destiné à rendre hommage à la ville jumelée de Grinzane Cavour, proche de Coni dans le Piémont.
Un peu comme une histoire d'Astérix ne finit pas sans un banquet avec un barde attaché, une sortie ARC Images ne finit pas sans un pot dans un bistrot. Mais personne ne se retrouve ligoté...
G2G